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Compte rendu du film This Is My Land, de Tamara Erde, sortie en salle le 20 avril 2016

Par Louise Plun
Publié le 20/04/2016 • modifié le 20/04/2020 • Durée de lecture : 3 minutes

Tamara Erde est une réalisatrice franco-israélienne. Née à Tel-Aviv au début des années 1980, elle reçoit « une éducation israélienne » comme elle le dit elle-même. « Ce n’est qu’au cours de mon service militaire, [obligatoire en Israël y compris pour les femmes] durant la deuxième intifada en 2002, que j’ai pu voir de près les mesures opérationnelles adoptées par l’armée israéliennes à l’encontre des Palestiniens. J’ai alors commencé à douter, à remettre en question ce que j’avais appris jusqu’alors. Enfin, bien des années plus tard, j’ai compris à quel point l’enseignement de l’histoire de mon pays était partial et sélectif ». Diplômée de l’Ecole des beaux-arts de Bzalel à Jérusalem, elle poursuit ses études de cinéma au Studio national des arts contemporains du Fresnoy en France, pays où elle habite maintenant depuis 6 ans.

Ayant la possibilité de se confronter à l’histoire de son pays et à celle de la Palestine, via un prisme français moins teinté de subjectivité, via également un accès plus facile à l’information par le biais d’internet, Tamara Erde décide de retourner en 2013 en Israël/Palestine afin de tourner un film sur la question de l’éducation et de l’enseignement de l’historie. Le film est réalisé de « mon point de vue d’expatriée », explique la jeune femme, afin d’« observer le parti prix des professeurs et leur influence sur les élèves ».

Les raisons et objectifs qui entourent la réalisation du film, ainsi que les images et discours recueillis, posent deux questions intrinsèquement liées l’une à l’autre et qui définissent la ligne constitutive du film : celle des usages et des enjeux politiques du passé et celle de l’écriture de l’histoire. La réflexion est menée de manière symétrique avec la question de la résolution ou de la non-résolution du conflit israélo-palestinien. « Et si l’éducation pouvait aussi représenter un frein pour l’avenir de notre société ? » soulève Tamara Erde.

Qu’est-ce que l’histoire tout d’abord ? L’histoire se définit comme la connaissance du passé, de l’évolution des événements passés mais aussi de leur compréhension et assimilation. L’histoire implique également une dimension mémorielle, liée à la postérité. De manière plus complexe, certains historiens définissent l’histoire comme « l’art du récit ». Les notions de réalité, de mensonge, de légitimation et de construction nationale entrent alors en jeu. Le film aborde ainsi cette question de construction du récit national. En ce qui concerne l’Etat d’Israël, pays jeune et jeune nation, une histoire nationale, dotée de mythes fondateurs et unitaires a été édifiée puis diffusée. La Palestine repose quant à elle sur le récit de la nakba (« catastrophe ») et du retour.

A la question qu’est-ce que l’histoire, succède la question qu’est-ce que l’éducation ? « La pente de toute pédagogie est d’être un dogmatisme quant à la forme, la manière d’éduquer, lié à un relativisme quant au contenu » (1). La réalisatrice filme dans différentes écoles, israéliennes, palestiniennes, ou mixtes, les professeurs face à leurs élèves, ainsi que leur méthodes d’enseignement. Certain(e)s écolier(e)s ressentent le conflit israélo-palestinien au quotidien. À la question de Tamara Erde « comment à ton avis on parle de toi et du conflit, dans les écoles palestiniennes ? » un jeune garçon israélien d’Itamar (colonie israélienne en Cisjordanie), répond : « Qu’est-ce que ça veut dire « conflit » ? ». La naïveté de la formulation n’atténue guère la sévérité de la réalité : comment peut-on construire l’avenir sans connaitre son passé ? Le conflit israélo-palestinien ne se résume plus à une incompréhension entre deux projets politiques ou nationaux, mais à une méconnaissance de deux peuples.

This Is My Land n’introduit pas l’idée de « gentils » et de « méchant ». Il interroge, sonde, interpelle, à la fois les personnes filmées et les spectateurs :
« Que signifie le mot paix ? demande Tamara Erde
La paix ? J’ai un peu oublié ce que c’est, répond un jeune israélien avant de poursuivre. Qu’un garçon de 17 ans censé être innocent, naïf, rêveur, ne sache pas expliquer le mot « paix », est le problème de ce pays »
« Initier avec ce film un débat sur le pouvoir de l’éducation à changer le cours de l’histoire, à nous faire entendre mieux les uns les autres, à nous apprendre à mieux vivre ensemble », tel est l’objectif de la réalisatrice.

This Is My Land questionne les racines du conflit en mettant en avant un aspect humain : la vision de l’autre, la connaissance de l’autre et quelque fois même, la conscience de l’autre.

Tamara Erde

Publié le 20/04/2016


Louise Plun est étudiante à l’Université Paris Sorbonne (Paris IV). Elle étudie notamment l’histoire du Moyen-Orient au XX eme siècle et suit des cours sur l’analyse du Monde contemporain.


 


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