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Faysal, roi d’Irak (1921-1933)

Par Lisa Romeo
Publié le 31/03/2011 • modifié le 02/03/2018 • Durée de lecture : 5 minutes

The Emir Faisal I of Iraq (Faisal bin Hussein bin Ali al Hashemi) 1885 -1933. Illustration inspired by William Roberts (1922) in : Seven Pillars of Wisdom, by Thomas Edward Lawrence, Angleterre, 1937.

The Art Archive / CCI / AFP

Faysal dans le Hedjaz

L’émir est né en 1883 dans le Hedjaz. Il quitte la région avec son père et ses frères, Abdallah (1882-1951) et Ali (1879-1935), sur la demande du sultan ottoman Abdülhamid II (1842-1918) et passe la plus grande partie de son enfance à Constantinople où il reçoit un enseignement solide et moderne. Homme cultivé, il maitrise aussi bien l’arabe que le turc, le français et l’italien.

Avec l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement Jeune-turc en 1908 (voir Jeunes Turcs et révolution de 1908), il est autorisé, avec sa famille, à rentrer au Hedjaz où son père reprend la fonction de chérif de La Mecque. Il s’intéresse alors aux thèses nationalistes qui émergent dans les milieux syriens. En novembre 1914, lorsque le gouvernement ottoman entre en guerre aux côtés des puissances centrales contre les Alliés, Hussein envoie Faysal à Damas afin de rencontrer les différents milieux nationalistes. Après avoir tenté, en vain, une dernière négociation avec le gouvernement ottoman à Istanbul, il entre en contact avec des sociétés secrètes nationalistes telles que Al-Fatat et Al-Ahd. Les hachémites considèrent alors qu’il n’est pas dans leur intérêt de rester à l’écart du conflit, ils prendraient en effet le risque de voir les vainqueurs imposer leur domination sur les provinces arabes. Hussein proclame alors la Révolte arabe le 10 juin 1916, dans le Hedjaz, aux côtés des Alliés et donc contre les Turcs.

Le héros de la Révolte arabe

Faysal, tout comme ses frères, se voit confier par son père la direction de la révolte. Conseillé par l’officier britannique Thomas Edward Lawrence (1888-1935), il réoriente la révolte vers le Nord et réussit à s’emparer du port d’Akaba (juin 1917) et à remonter jusqu’à Damas où il est rejoint par les forces britanniques du général Allenby. Il y forme, avec l’appui des nationalistes arabes, un gouvernement, et est chargé par Hussein de se rendre à Versailles afin de participer au règlement de paix.

Faysal en Europe : l’avocat des droits des Arabes

Faysal, à la tête de l’unique délégation arabe autorisée à se rendre en France, expose donc le 29 janvier 1919 ses revendications (voir l’article sur la conférence de la paix). En rappelant le principe wilsonien du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, il propose de former une confédération d’Etats placée sous la houlette des Hachémites, sur l’ensemble de la nation arabe, allant de la frontière iranienne à Alexandrette. Ses demandes vont donc à l’encontre des ambitions régionales des puissances, qui vont se contenter de les ignorer. Faysal est alors rapidement lâché par les Britanniques qui n’honoreront pas les promesses faites à son père pendant la guerre (correspondance Hussein-MacMahon).

Par ailleurs, durant son séjour européen, Faysal est amené à rencontrer le sioniste Chaim Weizmann (1874-1952) à Londres. Cette entrevue est organisée et vivement encouragée par la Grande-Bretagne qui cherche à obtenir l’appui des Etats-Unis, où la forte communauté juive est très sensible aux idées sionistes, afin de limiter au maximum les revendications françaises dans le Proche-Orient. Elle débouche sur un accord assez flou le 3 janvier 1919 : Faysal s’engage, sous réserve d’obtenir satisfaction à Versailles, à collaborer avec les sionistes dans la réalisation de leurs aspirations nationales. Cependant, l’accord devient caduc après l’échec définitif du mémorandum hachémite. Comprenant que sa famille est abandonnée politiquement par les Britanniques, Faysal se rend à Paris pour y rencontrer le Président du Conseil, Georges Clemenceau (1841-1929). Dans un accord daté du 6 janvier 1920, Faysal accepte de reconnaitre un mandat français sur le Liban contre la reconnaissance par le gouvernement français d’une Syrie indépendante qu’il dirigera avec les conseils d’un haut-commissaire français. Des liens privilégiés dans les domaines économique et culturel sont également décidés avec la France. Cet accord ne sera jamais rendu public ni appliqué. Faysal rentre alors en Syrie où les nationalistes se sont radicalisés. Le 25 avril 1920, à San Remo, la Société des nations (SDN), passant outre les réclamations de Faysal, institue officiellement le régime des mandats.

Faysal et l’éphémère royaume arabe de Damas

Alors que Faysal rentre à Damas en janvier 1920, le Congrès syrien, qui réunit depuis juillet 1919 les nationalistes arabes de la région, proclame l’indépendance de la Syrie. Faysal en devient le roi le 7 mars de la même année (voir le Royaume arabe de Syrie). Le Congrès syrien s’oppose ainsi directement aux intérêts français. C’est ainsi qu’ en juillet 1920, les forces françaises, dirigées par le général Gouraud, pénètrent en Syrie et écrasent l’armée arabe lors de la bataille de Maysaloun le 24 juillet. Elles marchent ensuite sur Damas, mettant ainsi définitivement fin au Royaume arabe de Damas. Faysal, chassé de Syrie, s’exile en Palestine, en Italie puis en Grande-Bretagne où il continue à lutter pour la reconnaissance des droits des Arabes.

Faysal, roi d’Irak

Faysal est finalement rappelé par le Britannique Churchill (1874-1965), chargé du ministère des Colonies, pour monter sur le trône d’Irak. En effet, la Grande-Bretagne, puissance mandataire en Irak, est confrontée à d’importantes émeutes dans le pays, et décide à la conférence du Caire de 1921 de mettre en place un chef arabe afin de légitimer son mandat et de calmer les mouvements populaires. Faysal est alors âgé de trente-huit ans.

Le 23 août 1921, l’émir devient donc roi d’Irak même si la Grande-Bretagne garde le contrôle des décisions externes et internes du nouveau royaume par l’autorité de son haut-commissaire, Sir Percy Cox. Si Faysal sait qu’il doit ménager les autorités britanniques auxquelles il est contraint de faire appel à plusieurs reprises pour sauver son trône, il continue néanmoins d’entretenir le rêve panarabe de son père et espère faire de son royaume le cœur de la nation arabe. Il s’entoure de ministres nationalistes tels que Sati al-Housri et cherche à affirmer la fierté nationale en développant le système éducatif et en dotant le pays de structures gouvernementales et d’une armée. Il œuvre tout au long de son règne pour l’indépendance de son pays et tente de faire sortir le royaume de l’état de pauvreté dans lequel les Ottomans l’avaient laissé. Il est notamment confronté aux problèmes des frontières et aux clivages entre les différents groupes ethniques et religieux constituant le nouvel Etat.

Partagé entre ses rêves d’union arabe et ses obligations avec le gouvernement britannique, le roi fait l’objet de nombreuses critiques de la part des Britanniques et des nationalistes, accusé de favoriser une fraction au détriment de l’autre. L’indépendance de l’Irak est finalement proclamée le 30 mai 1932 et le nouvel Etat indépendant entre à la SDN le 3 octobre de la même année. C’est la première fois qu’un Etat arabe devient membre de l’organisation internationale. La Grande-Bretagne reste cependant toujours maître des décisions importantes et s’assure le contrôle des bases militaires irakiennes.

Le roi meurt un an plus tard, le 7 septembre 1933, à la suite d’une crise cardiaque, en Suisse, à Berne, où son fragile état de santé l’avait forcé à se rendre. Son fils Ghazi lui succède alors à la tête de l’Irak. Faysal est enterré sur la rive droite du Tigre à Bagdad auprès de sa famille, dans un mausolée que Saddam Hussein fera restaurer en 1987.

Chevalier arabe et fondateur de l’Irak moderne, Faysal a donc su affronter avec lucidité et humilité les différents jeux politiques des puissances dans la région tout en cherchant à défendre les idéaux panarabes.

Bibliographie :
Vincent Cloarec, Henry Laurens, Le Moyen-Orient au 20e siècle, Paris, Armand Colin, 2005.
Edmund A. Ghareeb, Beth K. Dougherty, Historical Dictionary of Iraq, Oxford, The Scarecrow Press, Inc, 2004.
Remi Kauffer, La Saga des Hachémites, la tragédie du Moyen-Orient, Paris, Editions stock, 2009.
Henry Laurens, L’Orient arabe, Arabisme et islamisme de 1798 à 1945, Paris, Armand Colin, 1993.
Pierre Pinta, L’Irak, Paris, Editions Karthala, 2003.
Charles Saint-Prot, Histoire de l’Irak, De Sumer à Saddam Hussein, Paris, Ellipses, 1999.

Pour aller plus loin avec les articles publiés dans Les clés du Moyen-Orient :
 Biographie d’Hussein de La Mecque
 Article sur l’Empire ottoman
 Fiche pays Irak
 Biographie d’Abdallah
 Article sur les Jeunes Turcs et révolution de 1908
 Biographie de Thomas Edward Lawrence
 Article sur la conférence de la paix
 Article sur la correspondance Hussein-MacMahon
 Article sur la conférence de San Remo
 Article sur le Royaume arabe de Syrie

Publié le 31/03/2011


Lisa Romeo est titulaire d’un Master 2 de l’université Paris IV-Sorbonne. Elle travaille sur la politique arabe française en 1956 vue par les pays arabes. Elle a vécu aux Emirats Arabes Unis.


 


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