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Les 26 et 27 mai 2014, les élections présidentielles se tiendront en Egypte, dix mois après le renversement de Mohammed Morsi, premier président égyptien élu démocratiquement. Deux personnes se sont portées candidates à la présidence de la République égyptienne : le maréchal Abdel Fattah Al Sissi, grand favori de cette élection et Hamdeen Sabbahi, tenant de la gauche laïque égyptienne.
Du 3 au 23 mai 2014, ces candidats pourront faire campagne dans le pays. Dans un communiqué publié fin mars 2014, l’Union Européenne a affirmé qu’elle contrôlerait la tenue des élections ainsi que le bon déroulement de la campagne présidentielle. Cette décision a été vivement contestée par certains partis politiques. Entre accusations de néo-colonialisme et volonté de se tenir écartés des enjeux égyptiens, retour sur les relations entre l’Union Européenne et l’Egypte dans le cadre de la prochaine tenue des élections présidentielles égyptiennes.
Dans trois semaines, les Egyptiens seront appelés à voter pour élire leur président de la République. Le général Al-Sissi et Hamdeen Sabbahi, se sont portés candidats. Le premier, très populaire en Egypte, est un militaire de carrière qui a récemment pris sa retraite de l’armée afin de pouvoir se présenter à une élection. Al-Sissi était aussi ministre de la Défense dans le gouvernement provisoire égyptien, institué à l’été 2013. Depuis la destitution de Mohammed Morsi, Al-Sissi est l’homme fort du pays et sa popularité ne cesse de croître. Quant au second, Hamdeen Sabbahi, il ne s’agit pas de sa première campagne présidentielle puisqu’il avait été candidat en 2012 lors des élections présidentielles, remportées par Mohammed Morsi, à l’époque. Hamdeen Sabbahi incarne la gauche égyptienne et est proche de Nasser dans ses idées. Dans le cadre de la campagne présidentielle, il met en avant le fait qu’il est un candidat civil, même si ses liens avec l’armée sont très étroits. Il mise sur le vote des jeunes, les autres classes d’âge étant fortement attachées au maréchal Al-Sissi.
La campagne présidentielle a officiellement débuté ce samedi 3 mai 2014. Elle doit durer jusqu’au 23 mai, soit trois jours avant le premier jour du scrutin (le premier tour des élections a lieu sur deux jours, les 26 et 27 mai). Pour que la campagne puisse démarrer, il fallait que la commission en charge de l’organisation des élections valide les candidatures qui lui avaient été soumises : celles d’Al-Sissi et de Sabbahi ayant été validées, les Egyptiens pourront choisir entre l’un de ces deux candidats. Pour être candidat, il fallait réunir au moins 25 000 signatures d’électeurs. Le maréchal Al-Sissi en a réuni 200 000 et Hamdeen Sabbahi, 30 000. Dès le jour d’ouverture de la campagne, Hamdeen Sabbahi a fait un meeting à Assiout, une ville de moyenne-Egypte. Toutefois, cette première rencontre avec les Egyptiens s’est soldée par un succès mitigé : si les médias ont couvert l’événement, seules deux cents personnes ont assisté à ce meeting. Al-Sissi n’a quant à lui pas encore organisé de meetings. Selon certains observateurs, la popularité du maréchal est tellement importante que ce dernier n’aurait même pas besoin de faire campagne. Les premiers sondages le donnent gagnant à l’issue du premier tour. Néanmoins, les premiers jours de campagne ont entachés la réputation d’Al-Sissi. Selon le journal égyptien Al-Balad, Al-Sissi aurait eu des déclarations menaçantes envers l’Algérie, disant que l’armée égyptienne pourrait envahir l’Algérie sans difficultés. Bien que l’équipe de campagne d’Al-Sissi ait démenti de tels propos, les relations entre les deux ne s’en sont pas moins dégradées.
L’Egypte est donc en pleine campagne électorale jusqu’au 23 mai. Toutefois, cette campagne est entachée de nombreux attentats mais aussi de violences. Samedi 3 mai, jour de l’ouverture de la campagne, 102 militants pro-Morsi ont ainsi été condamnés à dix ans de prison pour leur participation à des manifestations violentes : des mouvements djihadistes perpétuent des attentats en représailles de cette répression des partisans de Mohammed Morsi et/ou des Frères musulmans. Pour rappel, le gouvernement égyptien par intérim a qualifié, en décembre 2013, la confrérie des Frères musulmans « d’organisation terroriste » [1]. Pour sa part, l’Union européenne condamne fortement ces violences et s’engage à contrôler le bon déroulement de la campagne.
Après la chute de Mohammed Morsi, premier président égyptien élu démocratiquement, le 3 juillet 2013, l’Egypte a opéré un changement institutionnel. Un gouvernement provisoire a été mis en place et une nouvelle constitution [2] a été votée au mois de janvier. L’Egypte est en pleine transition démocratique : c’est dans cette ambiance politique particulière que les élections sont organisées. De fait, afin que le nouveau président de la République égyptienne soit pleinement légitime, il est nécessaire que le vote se déroule d’une manière parfaitement démocratique. Le pays a vu le renversement de deux de ces dirigeants ces dernières années (Hosni Moubarak en 2011 et Mohammed Morsi en 2013) ; la population aspire donc à un retour à la normale. Ainsi, les Egyptiens entendent que leur nouveau président demeure au pouvoir pendant toute la durée de son mandat, sa légitimité doit donc être impossible à contester, tant en Egypte que dans le reste du monde. L’intervention de l’Union européenne vise à assurer le bon déroulement du scrutin et donc à permettre au nouveau président, quel qu’il soit, de ne pas voir sa légitimité mise en doute. Cela est d’autant plus important que l’Egypte est le pays le plus peuplé du Moyen-Orient et bénéficie d’un certain poids sur la scène internationale.
A la demande du gouvernement égyptien, l’Union européenne a envoyé une mission d’observation électorale (MOE). Un mémorandum d’entente a été mis au point entre l’Union européenne, le ministre des Affaires étrangères égyptiennes, Nabil Fahmi, et la Commission électorale pour la présidentielle égyptienne afin de définir les rôles de cette mission. Le mémorandum d’entente garantit la libre circulation des observateurs dans le pays ainsi que leur accès à tous les responsables politiques impliqués dans la campagne. Ce type d’intervention n’est pas une première pour l’Union européenne. En effet, l’organisation contrôle des élections dans plusieurs pays et « vise à promouvoir la démocratie, les droits de l’homme et la primauté du droit dans les différentes régions du monde. Elle contribue à renforcer les institutions démocratiques, à établir la confiance du public dans le processus électoral et à empêcher la fraude, l’intimidation et la violence. Elle renforce également les autres grands objectifs de l’UE en matière de politique étrangère, en particulier la consolidation de la paix » [3]. Son objectif est ainsi de s’assurer que les élections égyptiennes se déroulent bien selon un processus démocratique défini par les normes internationales.
Concrètement, la mission d’observation électorale a été confiée à l’eurodéputé portugais Mario David. Celui-ci a réaffirmé le caractère observatoire de la mission : l’Union européenne n’est pas censée organiser, superviser ou intervenir pendant toute la durée des élections. En revanche, l’organisation observe le bon déroulement du scrutin et publiera un rapport préliminaire deux jours après le vote, puis un rapport définitif - dont la date de publication n’est pas mentionnée - qui contiendra des conseils pour les autorités égyptiennes afin d’améliorer les futures élections. Les observateurs de la MOE seront environ 150 les 26 et 27 mai 2014. Une première équipe d’observateurs, composée de dix personnes, est arrivée en Egypte le 18 avril dernier, une autre de trente personnes le 25 avril. Enfin, soixante observateurs devraient arriver au cours du mois de mai en Egypte. Pour compléter ce dispositif, des observateurs locaux, représentants les membres de l’Union européenne en Egypte - et donc déjà sur place - devraient participer. Les observateurs de la mission sont issus des vingt-huit pays membres de l’Union européenne ainsi que de la Norvège et du Canada qui se sont joints à l’Union européenne pour contrôler le bon déroulement du scrutin égyptien.
Toutefois, le rôle de l’Union européenne se limite à l’observation : aucune intervention ne sera effectuée par la mission d’observation électorale. Néanmoins, Catherine Ashton, haut représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, a condamné les attentas qui touchent le pays. De son côté, l’Egypte tente de favoriser des élections transparentes et démocratiques, avec par exemple la parution d’une loi électorale en mars 2014. Les candidats aux élections présidentielles doivent être de nationalité égyptienne, avoir des parents égyptiens, avoir plus de quarante ans, un diplôme d’université, avoir effectué son service militaire et avoir obtenu le soutien de 25 000 signataires. Vingt millions de livres égyptiennes (soit deux millions d’euros) doivent être dépensées au maximum pour la campagne égyptienne par chacun des candidats. Par ailleurs, il ne sera pas possible pour les candidats de faire appel après publication des résultats. Cependant, cette impossibilité de faire appel des décisions de la commission électorale pose problème et met en doute la réelle transparence du scrutin.
Sources :
Emissions de radio :
– http://www.franceculture.fr/emission-journal-de-8h-le-marechal-sissi-en-route-pour-la-presidence-en-egypte-2014-03-27
– http://www.franceculture.fr/emission-trait-pour-trait-hamdeen-sabbahi-candidat-a-la-presidentielle-egyptienne-2014-04-21
Presse écrite :
– http://www.lapresse.ca/international/afrique/201404/10/01-4756454-egypte-lue-va-superviser-pour-la-premiere-fois-la-presidentielle.php
– http://www.rfi.fr/moyen-orient/20140503-presidentielle-egyptienne-timide-debut-campagne-candidats-al-sissi-sabahi-egyp/
– http://www.lemonde.fr/afrique/article/2014/05/03/egypte-la-campagne-presidentielle-s-ouvre-sur-fond-de-violences_4411035_3212.html
Documents officiels :
Communiqué de presse de la mission d’observation électorale (MOE) en Egypte : http://eeas.europa.eu/delegations/egypt/press_corner/all_news/news/2014/140505-pressrelease-launch_en.pdf
Emilie Polak
Emilie Polak est étudiante en master d’Histoire et anthropologie des sociétés modernes à la Sorbonne et à l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm où elle suit également des cours de géographie.
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